23/01/2004

Des jeux de lumière pour mieux séduire

Enquête publiée en 2004 dans la rubrique "tendances" de L'Usine Nouvelle

Des jeux de lumière pour mieux séduire

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Les dernières évolutions technologiques ont donné une nouvelle dimension à l'éclairage tant dans la sphère privée qu'industrielle. Focus sur les atouts de la lumière pour guider l'usager ou convaincre le client.

il n'y a pas que la tour Eiffel, parée de rouge lors du Nouvel an chinois, qui joue avec la lumière. Panneaux de signalisation clignotants, affiches lumineuses, vitrines de magasins multicolores, chaînes hi-fi fluorescentes... alors que nous n'y prêtions quasiment plus attention, la lumière a décidé de se faire à nouveau remarquer. Et, pour ne plus passer inaperçu, l'éclairage s'incruste dans tous les objets, s'infiltre dans tous les lieux de vie, ose toutes les formes et toutes les couleurs. De l'automobile au mobilier, en passant par la high-tech, tous les secteurs rivalisent d'ingéniosité pour faire désormais la part belle à la lumière dans leurs produits.

Pour valoriser leurs bâtiments, leurs espaces, leurs produits...

Mais d'où vient donc cet engouement, parfois surprenant, souvent décalé, pour la lumière et les nouvelles formes d'éclairage ? De nouvelles aspirations. La lumière permet d'autres mises en scène des produits, elle rassure, parfois soigne le stress ou l'anxiété, elle favorise la mobilité dans la maison ou la productivité dans les usines.
« La lumière n'est pas seulement tendance, mais vitale », affirme Dominique Weizman, directrice générale de l'agence Dezineo, auteur d'une étude sur le sujet. Lumière artificielle, lumière naturelle, transparences, couleur : la plupart des activités tentent de jouer avec l'éclairage. Dans les magasins, la lumière peut valoriser les produits, séduire, favoriser les actes d'achats ; en architecture elle transforme et théâtralise les lieux, à l'intérieur comme à l'extérieur ; dans le packaging elle sublime, magnifie les produits et met en scène les matières ; elle peut enfin guérir ou aider à vaincre le stress (luminothérapie). La lumière est devenue incontournable, même dans des applications où on l'attendait le moins.
Bonne nouvelle, il fait jour dans les souterrains du métro parisien ! Depuis le lancement de son programme « renouveau du métro » à la fin des années 90, la RATP n'a eu de cesse de taquiner la curiosité de ses usagers à grands coups de projecteurs, de diodes électroluminescentes ou d'hologrammes. Et, depuis le 16 décembre dernier, les rayons du soleil descendent même, pour la première fois, jusqu'à l'entrée des couloirs de la station Saint-Lazare.
Mais à quoi bon faire tant d'efforts - et d'effets - dans les transports publics ? Naturellement l'éclairage contribue à la sécurité. Mais ce n'est pas tout. Le département design de la RATP assigne bien d'autres rôles à la lumière. « Dans nos rames et nos stations, elle sert aussi à délimiter le volume de vie, elle aide à induire des pratiques ». En créant du relief grâce à différentes techniques d'éclairage, à des intensités variées et à des sources diversifiées, on oriente le mouvement, on favorise l'accélération ou le ralentissement des flots de voyageurs », assure Yo Kaminagaï, design manager de la délégation générale des espaces de transports. La RATP veut d'ailleurs multiplier ces effets dynamiques jusque dans les rames. Dans le nouveau train de la ligne 2, dont la mise en circulation est prévue pour mi-2004, des écrans diffuseront publicités, informations culturelles et locales. « Enfin, notre constante préoccupation est de marier la lumière avec le patrimoine dont nous avons la charge. Dans toutes les stations nouvelles ou rénovées (Madeleine, Cité, Pasteur, Bercy, etc.), les luminaires sont destinés à valoriser les formes et les espaces de notre emblématique héritage », ajoute Yo Kaminagaï.

...villes, entreprises, magasins multiplient les effets dynamiques

Ce rôle de soutien au patrimoine urbain est de plus en plus dévolu à la lumière. Les innovations technologiques ont largement favorisé cette tendance. Les villes, les sites classés, mais aussi les magasins ou les entreprises, sensibles au respect de leurs bâtiments et de leurs façades, misent fortement, comme la RATP, sur les évolutions de l'éclairage. « Dans nos réalisations, nous dépendons des avancées technologiques des fabricants comme General Electric ou Philips, explique Pierre Bideaud « concepteur lumière » de patrimoines bâtis ou naturels (tour Eiffel, Athènes pour les Jeux Olymiques 2004, Caen, Tours, Biarritz, Mexico, etc). Les sources lumineuses sont de plus en plus performantes et les projecteurs de plus en plus petits, ce qui nous permet des approches plus discrètes et plus précises. Nos perspectives créatives sont donc plus larges, on peut se poser dans des endroits jusque-là hors d'atteinte et éviter de défigurer une architecture. »

Parmi les grandes avancées : la couleur. 

 Contre le blanc qui éclairait autrefois nos rues et nos monuments, s'affirment aujourd'hui des tonalités plus chaudes, plus douces, plus accueillantes. « Auparavant nous n'avions pas vraiment d'alternative au rendu très blanc et très froid du ballon fluo, explique Michel Peret, chef de la division éclairage à la Mairie de Paris. Le bon compromis jaune-doré est devenu possible avec le sodium haute pression et nous avons désormais de très bons rendus avec les iodures métalliques. Les couleurs sont importantes car elles permettent de lire l'espace différemment, le mélange jaune-blanc permet de baliser, de démarquer - la chaussée de l'espace piétonnier par exemple - de donner du relief à la ville. Et les couleurs plus franches peuvent souligner un événement festif ou ponctuel : Noël, Nuits Blanches, etc. »
Après avoir séduit, en premier lieu, le domaine public et les collectivités, les avancées en matière de couleur, de miniaturisation et d'économies d'énergie permettent désormais à d'autres secteurs, notamment industriels, d'appréhender différemment la question de l'éclairage. Grâce aux LED (diodes électroluminescentes), à la fibre optique, aux nouveaux ballasts électroniques, qui ont des durées de vie plus longues et qui dépensent moins d'énergie, de nouvelles possibilités s'ouvrent et des centaines d'applications s'invitent un peu partout : du design des objets domestiques et des véhicules à l'architecture des bureaux, des usines ou des hôpitaux.
Ainsi Claude Lepage, designer français indépendant, présentait, au dernier salon du meuble de Paris, des escaliers transparents et lumineux : deux tubes fluos diffusent la lumière à travers les marches transparentes de cet escalier en colimaçon, réalisé en acrylique dépoli et aluminium brossé. « La nuit, l'éclairage sublime la forme sculpturale de l'escalier. Et sa transparence permet de conserver toute la lumière du jour qui pénètre dans la pièce , explique Claude Lesage. La lumière joue un rôle incomparable dans une maison, surtout dans les entrées ou les salons. » D'autres, comme Philips, Artemide ou Ad Hoc Design tentent également des approches nouvelles et tout aussi inattendues, dans le domaine de l'éclairage domestique. Ils planchent par exemple sur des luminaires nomades, en imaginant des concepts multifonctionnels qui intègrent des purificateurs d'air, du son, des variateurs d'intensité et de couleurs, agissant en fonction de la lumière extérieure, du toucher, de la voix, ou encore des déplacements ou même des humeurs et des envies de leurs utilisateurs (lire encadré ci-dessus).

Environnement amélioré et économies d'énergie

Dans l'automobile, depuis quelque temps déjà, les constructeurs abordent la question de la lumière de manière innovante. Au service de la sécurité, elle devient également un élément moteur de l'identité de la marque. L'éclairage intérieur des véhicules devient ainsi l'objet de toutes les attentions. « Dans l'habitacle, la lumière est fondamentale, explique Patrick Le Charpy, directeur du design intérieur de Renault. D'abord, plus les surfaces vitrées sont grandes, plus l'atmosphère est rassurante. Mais appréhender la lumière c'est aussi penser à l'éclairage d'accueil (poignées de portes, plafonnier), à l'éclairage général de l'habitacle (tableau de bord, outils de navigation, ambiance lumineuse de nuit) et c'est, enfin, donner une identité au véhicule. » Dans les VelSatis, par exemple, la marque au losange a misé sur une ambiance lumineuse blanche, clairement identifiable, alors que dans les Twingo elle a opté pour la couleur et les matières translucides.
Dans d'autres domaines, comme le mobilier urbain, la bonne utilisation de la lumière offre bien des opportunités. Chez JC Decaux, les nouvelles technologies d'éclairage répondent à quatre priorités : s'intégrer le mieux possible dans le design des panneaux d'affichage, des colonnes Morris et des Abribus, respecter au maximum les couleurs des affiches, annonces, photos et publicités, éviter une maintenance trop lourde et trop contraignante et, enfin, limiter les dépenses d'argent et d'énergie. « Depuis deux ou trois ans, nous utilisons essentiellement des tubes fluorescents à longue durée de vie (40 000 heures). Ils coûtent certes plus cher à l'achat, mais sont beaucoup moins chers sur le long terme, explique Marc d'Halluin, responsable du pôle recherche-développement. De plus, ils sont insensibles aux basses températures, ont un meilleur amorçage et une qualité de température couleur plus proche de la réalité. Nous avons également été sensibles à l'arrivée des ballasts électroniques qui permettent de grandes économies d'énergie (environ 15 % de dépenses en moins). De plus, avec ces nouvelles techniques et les durées de vie plus longue du matériel, nous limitons notre consommation de tubes et donc notre production de déchets. »

Pas de doute, la lumière est un indispensable compagnon du quotidien.

Et c'est souvent inconsciemment que nous bénéficions de ses effets positifs. Rassurante, réconfortante voire carrément thérapeutique, une lumière bien dosée aide à mieux vivre, à mieux travailler. EdF, qui a développé un pôle « conseil lumière » ouvert à tous, tente de souligner l'importance d'un bon éclairage dans l'épanouissement de chacun au jour le jour. « 65 % de la communication passe par la vision, souligne Rolland Estellat, responsable national du réseau Experts Lumière. A l'école, au bureau ou sur un poste de travail en atelier, la lumière est primordiale pour apprendre et bien travailler. » L'électricien a ainsi conseillé un gros fabricant français de canapés en cuir pour améliorer l'ensemble de l'éclairage de son usine, notamment grâce à une redéfinition des températures de couleur sur les postes de travail. Résultats : moins de fatigue oculaire pour les employés et une productivité améliorée. Et dans un grand magasin comme le Printemps Hausmann, EdF a fait appel aux techniques utilisées dans le monde du spectacle pour animer les rayons.
Bref, la lumière est reine. A condition toutefois de savoir faire appel à des concepteurs qui sauront éviter les pièges d'un excès de couleurs ou du « tout décoratif ». Attention ! Comme le soulignent de concert des professionnels comme Pierre Bideaud, Yo Kaminagaï (RATP) ou Rolland Estellat (EdF), la cacophonie des couleurs ou les intensités trop fortes peuvent s'avérer contre-productives.

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