23/01/2004

Des jeux de lumière pour mieux séduire

Enquête publiée en 2004 dans la rubrique "tendances" de L'Usine Nouvelle

Des jeux de lumière pour mieux séduire

Par  - Publié le  
 
Les dernières évolutions technologiques ont donné une nouvelle dimension à l'éclairage tant dans la sphère privée qu'industrielle. Focus sur les atouts de la lumière pour guider l'usager ou convaincre le client.

il n'y a pas que la tour Eiffel, parée de rouge lors du Nouvel an chinois, qui joue avec la lumière. Panneaux de signalisation clignotants, affiches lumineuses, vitrines de magasins multicolores, chaînes hi-fi fluorescentes... alors que nous n'y prêtions quasiment plus attention, la lumière a décidé de se faire à nouveau remarquer. Et, pour ne plus passer inaperçu, l'éclairage s'incruste dans tous les objets, s'infiltre dans tous les lieux de vie, ose toutes les formes et toutes les couleurs. De l'automobile au mobilier, en passant par la high-tech, tous les secteurs rivalisent d'ingéniosité pour faire désormais la part belle à la lumière dans leurs produits.

Pour valoriser leurs bâtiments, leurs espaces, leurs produits...

Mais d'où vient donc cet engouement, parfois surprenant, souvent décalé, pour la lumière et les nouvelles formes d'éclairage ? De nouvelles aspirations. La lumière permet d'autres mises en scène des produits, elle rassure, parfois soigne le stress ou l'anxiété, elle favorise la mobilité dans la maison ou la productivité dans les usines.
« La lumière n'est pas seulement tendance, mais vitale », affirme Dominique Weizman, directrice générale de l'agence Dezineo, auteur d'une étude sur le sujet. Lumière artificielle, lumière naturelle, transparences, couleur : la plupart des activités tentent de jouer avec l'éclairage. Dans les magasins, la lumière peut valoriser les produits, séduire, favoriser les actes d'achats ; en architecture elle transforme et théâtralise les lieux, à l'intérieur comme à l'extérieur ; dans le packaging elle sublime, magnifie les produits et met en scène les matières ; elle peut enfin guérir ou aider à vaincre le stress (luminothérapie). La lumière est devenue incontournable, même dans des applications où on l'attendait le moins.
Bonne nouvelle, il fait jour dans les souterrains du métro parisien ! Depuis le lancement de son programme « renouveau du métro » à la fin des années 90, la RATP n'a eu de cesse de taquiner la curiosité de ses usagers à grands coups de projecteurs, de diodes électroluminescentes ou d'hologrammes. Et, depuis le 16 décembre dernier, les rayons du soleil descendent même, pour la première fois, jusqu'à l'entrée des couloirs de la station Saint-Lazare.
Mais à quoi bon faire tant d'efforts - et d'effets - dans les transports publics ? Naturellement l'éclairage contribue à la sécurité. Mais ce n'est pas tout. Le département design de la RATP assigne bien d'autres rôles à la lumière. « Dans nos rames et nos stations, elle sert aussi à délimiter le volume de vie, elle aide à induire des pratiques ». En créant du relief grâce à différentes techniques d'éclairage, à des intensités variées et à des sources diversifiées, on oriente le mouvement, on favorise l'accélération ou le ralentissement des flots de voyageurs », assure Yo Kaminagaï, design manager de la délégation générale des espaces de transports. La RATP veut d'ailleurs multiplier ces effets dynamiques jusque dans les rames. Dans le nouveau train de la ligne 2, dont la mise en circulation est prévue pour mi-2004, des écrans diffuseront publicités, informations culturelles et locales. « Enfin, notre constante préoccupation est de marier la lumière avec le patrimoine dont nous avons la charge. Dans toutes les stations nouvelles ou rénovées (Madeleine, Cité, Pasteur, Bercy, etc.), les luminaires sont destinés à valoriser les formes et les espaces de notre emblématique héritage », ajoute Yo Kaminagaï.

...villes, entreprises, magasins multiplient les effets dynamiques

Ce rôle de soutien au patrimoine urbain est de plus en plus dévolu à la lumière. Les innovations technologiques ont largement favorisé cette tendance. Les villes, les sites classés, mais aussi les magasins ou les entreprises, sensibles au respect de leurs bâtiments et de leurs façades, misent fortement, comme la RATP, sur les évolutions de l'éclairage. « Dans nos réalisations, nous dépendons des avancées technologiques des fabricants comme General Electric ou Philips, explique Pierre Bideaud « concepteur lumière » de patrimoines bâtis ou naturels (tour Eiffel, Athènes pour les Jeux Olymiques 2004, Caen, Tours, Biarritz, Mexico, etc). Les sources lumineuses sont de plus en plus performantes et les projecteurs de plus en plus petits, ce qui nous permet des approches plus discrètes et plus précises. Nos perspectives créatives sont donc plus larges, on peut se poser dans des endroits jusque-là hors d'atteinte et éviter de défigurer une architecture. »

Parmi les grandes avancées : la couleur. 

 Contre le blanc qui éclairait autrefois nos rues et nos monuments, s'affirment aujourd'hui des tonalités plus chaudes, plus douces, plus accueillantes. « Auparavant nous n'avions pas vraiment d'alternative au rendu très blanc et très froid du ballon fluo, explique Michel Peret, chef de la division éclairage à la Mairie de Paris. Le bon compromis jaune-doré est devenu possible avec le sodium haute pression et nous avons désormais de très bons rendus avec les iodures métalliques. Les couleurs sont importantes car elles permettent de lire l'espace différemment, le mélange jaune-blanc permet de baliser, de démarquer - la chaussée de l'espace piétonnier par exemple - de donner du relief à la ville. Et les couleurs plus franches peuvent souligner un événement festif ou ponctuel : Noël, Nuits Blanches, etc. »
Après avoir séduit, en premier lieu, le domaine public et les collectivités, les avancées en matière de couleur, de miniaturisation et d'économies d'énergie permettent désormais à d'autres secteurs, notamment industriels, d'appréhender différemment la question de l'éclairage. Grâce aux LED (diodes électroluminescentes), à la fibre optique, aux nouveaux ballasts électroniques, qui ont des durées de vie plus longues et qui dépensent moins d'énergie, de nouvelles possibilités s'ouvrent et des centaines d'applications s'invitent un peu partout : du design des objets domestiques et des véhicules à l'architecture des bureaux, des usines ou des hôpitaux.
Ainsi Claude Lepage, designer français indépendant, présentait, au dernier salon du meuble de Paris, des escaliers transparents et lumineux : deux tubes fluos diffusent la lumière à travers les marches transparentes de cet escalier en colimaçon, réalisé en acrylique dépoli et aluminium brossé. « La nuit, l'éclairage sublime la forme sculpturale de l'escalier. Et sa transparence permet de conserver toute la lumière du jour qui pénètre dans la pièce , explique Claude Lesage. La lumière joue un rôle incomparable dans une maison, surtout dans les entrées ou les salons. » D'autres, comme Philips, Artemide ou Ad Hoc Design tentent également des approches nouvelles et tout aussi inattendues, dans le domaine de l'éclairage domestique. Ils planchent par exemple sur des luminaires nomades, en imaginant des concepts multifonctionnels qui intègrent des purificateurs d'air, du son, des variateurs d'intensité et de couleurs, agissant en fonction de la lumière extérieure, du toucher, de la voix, ou encore des déplacements ou même des humeurs et des envies de leurs utilisateurs (lire encadré ci-dessus).

Environnement amélioré et économies d'énergie

Dans l'automobile, depuis quelque temps déjà, les constructeurs abordent la question de la lumière de manière innovante. Au service de la sécurité, elle devient également un élément moteur de l'identité de la marque. L'éclairage intérieur des véhicules devient ainsi l'objet de toutes les attentions. « Dans l'habitacle, la lumière est fondamentale, explique Patrick Le Charpy, directeur du design intérieur de Renault. D'abord, plus les surfaces vitrées sont grandes, plus l'atmosphère est rassurante. Mais appréhender la lumière c'est aussi penser à l'éclairage d'accueil (poignées de portes, plafonnier), à l'éclairage général de l'habitacle (tableau de bord, outils de navigation, ambiance lumineuse de nuit) et c'est, enfin, donner une identité au véhicule. » Dans les VelSatis, par exemple, la marque au losange a misé sur une ambiance lumineuse blanche, clairement identifiable, alors que dans les Twingo elle a opté pour la couleur et les matières translucides.
Dans d'autres domaines, comme le mobilier urbain, la bonne utilisation de la lumière offre bien des opportunités. Chez JC Decaux, les nouvelles technologies d'éclairage répondent à quatre priorités : s'intégrer le mieux possible dans le design des panneaux d'affichage, des colonnes Morris et des Abribus, respecter au maximum les couleurs des affiches, annonces, photos et publicités, éviter une maintenance trop lourde et trop contraignante et, enfin, limiter les dépenses d'argent et d'énergie. « Depuis deux ou trois ans, nous utilisons essentiellement des tubes fluorescents à longue durée de vie (40 000 heures). Ils coûtent certes plus cher à l'achat, mais sont beaucoup moins chers sur le long terme, explique Marc d'Halluin, responsable du pôle recherche-développement. De plus, ils sont insensibles aux basses températures, ont un meilleur amorçage et une qualité de température couleur plus proche de la réalité. Nous avons également été sensibles à l'arrivée des ballasts électroniques qui permettent de grandes économies d'énergie (environ 15 % de dépenses en moins). De plus, avec ces nouvelles techniques et les durées de vie plus longue du matériel, nous limitons notre consommation de tubes et donc notre production de déchets. »

Pas de doute, la lumière est un indispensable compagnon du quotidien.

Et c'est souvent inconsciemment que nous bénéficions de ses effets positifs. Rassurante, réconfortante voire carrément thérapeutique, une lumière bien dosée aide à mieux vivre, à mieux travailler. EdF, qui a développé un pôle « conseil lumière » ouvert à tous, tente de souligner l'importance d'un bon éclairage dans l'épanouissement de chacun au jour le jour. « 65 % de la communication passe par la vision, souligne Rolland Estellat, responsable national du réseau Experts Lumière. A l'école, au bureau ou sur un poste de travail en atelier, la lumière est primordiale pour apprendre et bien travailler. » L'électricien a ainsi conseillé un gros fabricant français de canapés en cuir pour améliorer l'ensemble de l'éclairage de son usine, notamment grâce à une redéfinition des températures de couleur sur les postes de travail. Résultats : moins de fatigue oculaire pour les employés et une productivité améliorée. Et dans un grand magasin comme le Printemps Hausmann, EdF a fait appel aux techniques utilisées dans le monde du spectacle pour animer les rayons.
Bref, la lumière est reine. A condition toutefois de savoir faire appel à des concepteurs qui sauront éviter les pièges d'un excès de couleurs ou du « tout décoratif ». Attention ! Comme le soulignent de concert des professionnels comme Pierre Bideaud, Yo Kaminagaï (RATP) ou Rolland Estellat (EdF), la cacophonie des couleurs ou les intensités trop fortes peuvent s'avérer contre-productives.

Ces marques qui snobent la pub

Dossier publié en 2003 dans la rubrique "tendances" de l'Usine Nouvelle

Ces marques qui snobent la pub

Par  - Publié le  
 
Le tapage publicitaire aurait-il vécu ? Des marques comme Corolle, Bang & Olufsen ou Le Coq Sportif tentent de communiquer autrement. Quand la page « pub à outrance» se tourne au profit de la confidentialité...

D'un côté, les Dior, les L'Oréal, les Nike continuent à jouer les publivores. Au risque de lasser un consommateur de plus en plus méfiant et exigeant. De l'autre, des marques plus modestes ou plus jeunes tentent de séduire sans avoir recours à la publicité outrancière. Et réussissent à venir chatouiller les mastodontes sur leur propre terrain. Les « No Logo » et autre « Livre Noir de la Pub » (Naomi Klein et Florence Amalou) auraient-ils eu raison de la sur-communication des marques ? Le « trop de pub, tue la pub » scandé il y a quelques années par Jacques Séguéla serait-il devenu une réalité pour les marques et leurs conseillers en communication ? « On arrive aujourd'hui au paradoxe suivant, il existe d'un côté des grandes marques, standardisées et internationales, et de l'autre des consommateurs qui éprouvent un désir d'individualisation, d'humain et d'unique », analyse Jolanta Bak, de l'agence conseil en innovations Intuition. Une brèche dans laquelle s'engouffrent avec bonheur les marques élitistes ou celles qui n'ont tout simplement pas les moyens de consacrer des millions d'euros à leur pub. Explications sur les pratiques de ces trublions qui réussissent le tour de force d'afficher, sans publicité, des notoriétés enviables.
Leur point commun ? Ces marques de taille relativement modeste tiennent à le rester. « Depuis quelques années, nous revenons très fort grâce à la mode de la rue. Mais nous savons que notre véritable " boom " n'aura jamais lieu. Et ce n'est pas notre but. Même si nous ne sommes pas des philantropes ! », ose affirmer Henriette Lopy, responsable du marketing de New Balance. De marketing, il n'est d'ailleurs pas vraiment question chez ce spécialiste de la chaussure de sport haut de gamme. « Nous avons tendance à nous focaliser sur des idées qui ne sont pas forcément très vendeuses, comme par exemple la largeur des chaussures, précise Henriette Lopy. Pour chacune d'elles, jusqu'à quatre largeurs sont disponibles. »
Mais il ne faut pas s'y tromper. Si des marques comme New Balance misent sur le perfectionnisme et une relative discrétion, et si d'autres, comme Agnès b., Body Shop ou Courrèges décident de ne pas (ou peu) faire de pub pour des raisons éthico-philosophiques, la plupart s'en passent pour cause de « budget serré ». Aux laboratoires La Prairie (groupe Beiersdorf), la publicité est considérée comme « vulgaire ». Mais les messages alternatifs permettent à la société d'économiser de précieux deniers et de se consacrer à l'innovation. « Nous avons toujours préféré investir dans la recherche ou dans le packaging. Pour nous, qui restons volontairement une petite marque de niche, totalement atypique dans le secteur des cosmétiques avec un positionnement haut de gamme à la fois luxueux et scientifique, investir dans la publicité provoquerait une déperdition d'argent », explique Françoise Chapot, la directrice du marketing des laboratoires. Economies aussi chez le fabricant de poupées Corolle. « Nous sommes une PME qui n'a pas les moyens de s'offrir de campagnes publicitaires », explique clairement Dorothée Dehec, la responsable du marketing.

Parier sur la personnalisation ...voire l'élitisme

Mais comment vendre ses produits et se faire connaître en évitant le tapage publicitaire ? Le but du jeu est de développer d'autres moyens de communication, souvent plus discrets, mais plus ciblés, et surtout beaucoup moins onéreux que la publicité pure. « Nous préférons investir dans le marketing direct et les partenariats afin de toucher directement nos cibles », explique-t-on chez le fabricant de poupées Corolle qui propose par exemple des concours aux revendeurs spécialisés. Même approche chez Timberland, Bang & Olufsen et autres Coq Sportif. Toutes ces marques rivalisent d'ingéniosité pour personnaliser et optimiser des moyens de communication. Elles font appel aux mailings, aux catalogues, aux jeux concours, mais aussi à la PLV (promotion sur le lieu de vente), au sponsoring, à l'événementiel ou aux relations presse. « Nos principaux outils restent les vitrines de nos magasins qui sont pour nous des médias à part entière, notre réseau de franchisés, les événements, et surtout les relations presse », explique Corine Poncey, responsable du marketing de Timberland, une marque qui fait de la pub, mais sans matraquage, toujours dans la presse ou en affichage local, mais jamais à la télévision. « Nous appliquons une stratégie de bouche à oreille depuis vingt-cinq ans, indique Françoise Chapot, des laboratoires La Prairie. Notre clientèle est très restreinte, il est donc préférable de miser sur les outils alternatifs et de favoriser les contacts directs : envois d'échantillons, formations des conseillères de magasin, mailings. »

Se faire discret et rare pour mieux se faire désirer

On le voit, toutes ces techniques n'ont rien de révolutionnaire. « Ce qui est nouveau, explique Jean-François Le Louët, directeur général de l'agence de style Nelly Rodi, c'est l'ampleur qu'a pris le phénomène. Tout semble être parti du luxe, qui a enrichi et diversifié ses outils de communication. Et son approche se propage à tous les autres secteurs ». La marque des créateurs Marithé + François Girbaud casse par exemple les codes de son métier pour étonner et attiser la curiosité des « fashion victims ». « Nous cherchons des codes en décalage avec ceux du prêt-à-porter. Nous essayons, de créer pour nos vitrines et pour notre site internet, une communication qui ne ressemble jamais à celle de nos concurrents », souligne Murielle de Lamarzelle, responsable de la communication.
Autre moyen de faire parler de soi : se faire discret pour mieux se faire désirer. On peut même aller jusqu'à « l'hyperconfidentialité » en tentant de se faire reconnaître et apprécier par une fraction très ciblée de la population. Ainsi, chez Bang & Olufsen, les produits font des apparitions quasi subliminales dans des émissions de télévision plutôt chics et intellos (En Aparté sur Canal+), dans des films grand public où les héros appartiennent clairement à la clientèle-cible de la marque (un richissime Tom Cruise dans « Eyes Wide Shut »), ou utilisent la publicité à condition qu'elle reste sobre et distinguée et qu'elle s'affiche uniquement dans les pages de prestigieux magazines. « Nos campagnes, nos partenariats ou nos événements sont toujours très ciblés, nous n'avons pas besoin de parler « lourdement », explique Alberto de Lucio, directeur général France de Bang & Olufsen. Notre communication doit rester élégante et minimaliste, comme le sont nos produits. »
Ce cocktail d'élitisme et de discrétion BCBG, la boutique parisienne Colette, qui détecte et fait les tendances, l'exploite à fond. « Les marques comme Le Coq Sportif ou les jeunes créateurs et designers comme Your Tailor is Rich, Griffin ou Maharishi qui n'ont pas de gros budgets vont ainsi essayer de créer un «buzz », explique Guillaume Salmon, chargé de la communication du magasin. Elles vont tenter d'être vendues en exclusivité dans certaines boutiques pour réussir à jouer sur la rareté. Elles vont également lancer des éditions limitées, des séries collectors. » Dans cette communication branchée, le bouche à oreille, la presse et la rue remplacent les campagnes et les vecteurs de communication traditionnels. En Alsace, au siège du Coq Sportif, cette stratégie est clairement affichée. Un département « life style » a été spécialement dédié aux produits destinés à courir les lieux urbano-branchés. « C'est la rue qui nous a fait revenir sur le devant de la scène depuis un peu plus de deux ans, commente Sandra Demont, directrice du marketing. Ce succès nous permet de ne pas dépenser d'argent en publicité et d'investir dans nos concepts et nos lignes " sport ", où nous souhaitons conserver toute notre légitimité. »
Les relations tissées avec les médias redeviennent le meilleur moyen de faire parler de sa marque. Une tendance de fond en phase avec les attentes du public. « Si la communication publicitaire est désormais relativement inefficace dans ses formes classiques, c'est parce que le consommateur est devenu expert et qu'il est conscient des manipulations possibles, commente Jolanta Bak, chez Intuition. L'époque est à la méfiance envers les autorités établies. On se tourne donc vers d'autres sources : les experts, les proches, les collègues et les journalistes ! »
Moins chère, en phase avec les nouvelles attentes du public la communication alternative et le « zéro tapage publicitaire » présente bien des avantages.

Mais la méthode a ses limites.

« Elle donne l'impression à chacun d'être le seul à avoir accès à telle ou telle marque. Cependant, tout risque de se compliquer dès lors que le système fonctionnera trop bien», analyse Xavier Charpentier directeur du planning stratégique chez Publicis Conseil. Sans doute prêche-t-il pour sa paroisse. Mais il y a effectivement danger de voir le confidentiel perdre son effet de rareté, d'inaccessibilité, pour devenir un « confidentiel de masses ». Enfin, par nature, il limite l'audience. « Les marques qui jouent la carte de la confidentialité et du « moins de pub » construisent aussi moins vite leur notoriété », rappelle Xavier Charpentier. Pour lui, pas de doute : les effets sur les ventes de la communication alternative sont beaucoup moins efficaces que l'impact immédiat de la publicité. Ainsi, Bang & Olufsen rencontrerait quelques difficultés à conquérir le marché français et conserverait une image de marque froide et peu abordable. De son côté, New Balance a depuis peu recours à une publicité discrète (surtout en presse spécialisée) pour élargir sa cible et recruter de nouveaux consommateurs. « L'idée était d'atteindre le marché des coureurs occasionnels, explique Henriette Lopy. Cet élargissement de cible nous a poussés à faire de la publicité. C'est aussi un souci " d'éducation " : la pub nous permet d'expliquer les particularités de nos produits et de nos technologies. »
Enfin, pour des marques plus récentes et encore inconnues, qui cherchent à émerger rapidement, la tentation de l'économie de publicité peut coûter très cher... Elles risquent tout simplement de ne jamais décoller ! Reste la solution du compromis : « L'avenir est à la communication holistique, explique Xavier Charpentier. C'est-à-dire à l'utilisation de tous les moyens de communication existants, sans prépondérance de l'un sur tous les autres. » Bref, selon lui, il faut trouver le moyen de parler à beaucoup de gens sans assourdir tout le monde.
Sophie Stadler

Haro sur la banalisation des points de vente

Dossier publié en 2003 dans la rubrique "tendances" de l'Usine Nouvelle n°2887



Haro sur la banalisation des points de vente !

Par  - Publié le  

Le design commercial ce n'est pas qu'un bon look et un soupçon de déco. Une boutique séduisante c'est un espace de bien être et d'expériences. L'enjeu est de taille : la différenciation, passage obligé pour les grandes marques.

Une fièvre de relifting saisit les grandes enseignes. La Fnac, Façonnable, Mc Do, Devernois, Princess Tam Tam... du pur distributeur aux marques d'industriels avec réseaux de boutiques, dans tous les secteurs on réaménage, on rajeunit, et surtout, on repense la place d'un magasin dans son environnement. Objectif dans tous les secteurs : mieux se démarquer ! « Dans les années 90, les marques ont développé leurs réseaux et occupé le terrain. Elles ont fini par toutes se ressembler et proposer quasiment la même chose. On perçoit aujourd'hui un certain « ras le bol » de la part des consommateurs qui se sentent cernés par une profusion de boutiques déclinées à l'identique. L'effet de surprise a disparu. Les marques réalisent aujourd'hui qu'elles doivent mieux se différencier et contrer cette lassitude », analyse Joël Desgrippes de l'agence de design Desgrippes Gobé (concepteur des nouvelles boutiques Façonnable, Stéphane Kelian, Jacadi, Go Sport, Pantashop...). Une tendance lourde, qui prend de multiples formes : retour au « Home sweet home », ambiance cosy, meilleure harmonie avec le paysage urbain, lieux de vie, voire lieux d'expériences. Toutes ces tentatives de relifting s'intègrent dans des stratégies marketing qu'il faut savoir appréhender, mesurer et diriger avec minutie. Pourquoi et à quel moment les grandes enseignes décident-elles de modifier leurs magasins ? Qu'ont-elles à y gagner ? Comment fabrique-t-on une ambiance conviviale, moderne ou décontractée. Quelles seront les grandes tendances de l'architecture commerciale de demain ? Revue de détail.

La boutique est le reflet concret et palpable de la marque
Cabines d'essayage roses et capitonnées, couleurs chaudes et réconfortantes, les nouveaux magasins du fabricant de lingerie Princesse Tam Tam, lancés il y a trois mois à Nice, Villeneuve d'Asq et Lille affichent les nouvelles ambitions de la marque. « Depuis quelques années, nos produits sont entrés dans une ère de séduction et de romantisme, explique Loumia Hirijdee, créatrice et directrice de la marque. Il fallait donc imaginer un nouveau concept qui corresponde à ce changement de personnalité. Ensuite, nous avons observé que nos concurrents, de plus en plus nombreux, jouaient tous la carte de la neutralité dans l'aménagement de leurs boutiques. Il nous fallait donc, pour surprendre nos clientes et en séduire de nouvelles tenter de nous différencier ». C'est ainsi que la marque et l'agence de design Saguez & Partners se sont attelées à imaginer un concept « plus Princesse que Tam Tam » pour une enseigne qui prenait le cap de la féminité, du charme et de la séduction. Grâce à sa nouvelle ambiance feutrée, chaleureuse et protectrice, la marque devrait rapidement troquer son image de boutique réservée aux jeunes filles sages ou désinvoltes contre celle d'une marque de femme contemporaine et séductrice.

Pas de doute, le « relookage » est bien plus qu'un simple changement de décorum. Et pour cause ! La boutique est le reflet concret et palpable de la marque. Avec à la clé, la fidélité du client. Selon le designer Olivier Saguez, à l'origine des boutiques Promod, Princesse Tam Tam, Aigle, Lynx Optique que New Man, « le plus difficile n'est pas de faire venir les gens dans les magasins, c'est de les faire revenir. Si le concept du magasin ne correspond pas aux promesses de la marque, s'il est en décalage avec la qualité des produits, les consommateurs peuvent percevoir un mensonge, une tromperie. La sentence est alors très lourde : ils ne reviennent pas ! Le danger du simple relookage c'est qu'il se démode vite et qu'il n'est pas toujours étudié en fonction des besoins de la marque, de sa personnalité»
Quand Devernois, le fabricant roannais de prêt-à-porter féminin, décidait il y a trois ans de revoir le design de l'ensemble de ses magasins, il s'agissait de conquérir une clientèle de femmes actives d'une quarantaine d'années et de rajeunir l'image même de la marque. Histoire de toucher de nouvelles consommatrices et donc, d'augmenter le trafic en boutiques. « Le nouveau style, épuré et plus moderne que nous dupliquons désormais systématiquement sur l'ensemble de notre réseau, nous a permis d'augmenter de plus de 20 % en moyenne notre chiffre d'affaires en magasin », confirme Robert Corre, responsable du développement chez Devernois. Il en va de même pour les Cyrillius, Naf Naf et autres Kookaï. Aujourd'hui ces marques continuent bien sûr de faire évoluer leurs concepts, mais elles réfléchissent avant tout à des changements plus fondamentaux et préparent l'avenir.

Le « bien être » est dans tous les esprits
Le récent débarquement dans les centres commerciaux du « fun shopping » anglo-saxon n'est pas étranger à la réflexion que mènent aujourd'hui les marques. Réintroduire le plaisir, favoriser la convivialité, ou transformer les espaces commerciaux en lieux de vie sont les nouveaux credo des états majors des chaînes de magasins. Du coup, la tendance dominante, dans les secteurs de la mode mais aussi chez les opticiens ou dans les chaînes de restauration, est un retour à des styles plus épurés, plus clairs, qui simplifient la vie des clients et facilitent la prise de repères. C'est tout l'esprit de la nouvelle boutique Louis Vuitton ouverte début septembre avenue Montaigne, au pied du nouveau siège de LVMH, sa maison mère. La simplicité du style et des couleurs, l'espace, l'utilisation de la lumière, tout a été pensé en fonction de ces critères. Le malletier est d'ailleurs précurseur dans ce domaine puisque Louis Vuitton développe depuis longtemps déjà ce type de concepts.
Clairement, le « bien être » est dans tous les esprits. Et l'atmosphère plébiscitée par les marques et les designers est le « comme chez soi ». C'est ce que le nouveau concept de Façonnable propose à ses clients depuis l'ouverture en octobre 2002 de ses nouvelles boutiques à Lyon, Paris, St Tropez et demain à New York. Pour recréer une ambiance de « home sweet home » cosy et chaleureuse, la marque fait plancher l'agence de design Desgrippes Gobé. Le résultat ? Alors qu'autrefois les clients parcouraient des étals où s'entreposaient chemises, pulls et pantalons dans un décor classique et uniforme, ils visitent aujourd'hui les pièces d'une maisonnette. Une bibliothèque pour présenter les chemises, deux salons pour vendre les collections homme et femme, une pièce plus décontractée pour la gamme jean, etc. Le tout en blanc, chrome et acajou. Canapés, fauteuils, tapis, niches et corniches venant peaufiner l'ambiance. Ainsi la marque qui n'avait pas revu son concept depuis plus de vingt ans gagne en modernité tout en conservant ses valeurs d'origine, le chic anglais mâtiné de teintes azuréennes (Façonnable est basée à Nice). « L'avantage c'est que nous conservons toutes nos collections dans une même boutique en proposant différents univers qui rompent la monotonie, explique Katherine Melchiorkay, directrice marketing international de Faconnable. Et nous enregistrons une augmentation de notre chiffre d'affaires de l'ordre de 15 à 20 % dans nos boutiques ainsi rénovées. »
Mais il faut aussi repenser la façade. « Nous adaptons notre concept et nos vitrines en fonction de l'architecture locale », souligne toujours Katherine Melchiorkay, chez Façonnable. Se fondre dans l'environnement et l'architecture des lieux et des villes, respecter l'environnement urbain, voilà l'autre grande tendance du moment en matière d'architecture commerciale.
ET qui l'eut cru, l'un des initiateurs de ce mouvement est le groupe Mc Donald's France. Depuis bientôt cinq ans, le géant du fast-food rénove et construit ses restaurants en déclinant trois ambiances (montagne, sport et musique) et quatre styles (« 99 », « Amérique », « Nouveau Monde » et « génération Mc Do ») radicalement différents les uns des autres. « Nous tentons de « varier les plaisirs », notamment dans les villes où Mc Donald's est largement implanté, explique Philippe Labbé, directeur général France. Nous alternons et adaptons nos concepts en fonction de leur environnement proche (université, complexe sportif, quartiers familiaux, etc), de manière à rompre une certaine monotonie et uniformisation ». Exit l'emblématique ambiance jaune-blanc-rouge. Place à des concepts capables de répondre aux différentes envies de la journée, tout en se fondant dans le paysage. Mc Do n'innove pas fondamentalement, mais il est l'un des premiers dans le secteur du fast food à pousser aussi loin la démarche. Il y avait urgence. Après avoir essuyé les crises de la vache folle, les attaques des altermondialistes, ou des grévistes, la marque n'était pas au mieux de sa forme. Aujourd'hui, sur le millier de restaurants que compte la France, plus de 400 ont été réaménagés et enregistrent des améliorations très nettes de leur chiffre d'affaires (plus de 10 à 15 %). Forte de ces premiers succès, l'enseigne teste actuellement un tout nouveau concept de « mini-restaurants », les Mc Do., destinés à renforcer l'implantation du groupe au coeur des villes.

Bien maîtriser sa marque et son image
Cette stratégie d'identification des points de vente fait école, aussi bien du côté des grandes enseignes que des designers. « On peut se demander si avec certaines marques fortes, on ne pourrait pas par exemple jouer avec le logo, les couleurs, le concept, en fonction des lieux, des villes, mais aussi selon l'heure de la journée ou le temps qu'il fait. Evidemment c'est de la haute voltige. Il faut faire très attention, bien maîtriser sa marque et son image, mais ce serait un remède très attractif et beaucoup plus humain contre la standardisation. »
Locomotive des rues commerçantes, la Fnac, elle, a choisi une autre forme de rupture. Alors que l'enseigne semblait se contenter jusqu'ici de faire doucement évoluer son design, « l'agitateur public » fait aujourd'hui un bond en avant avec son magasin de Bordeaux. Ouvert le 20 juin dernier, ce concept inédit va au-delà du lieu de vie pour devenir lieu d'expériences. « Depuis ses débuts la Fnac est l'un des seuls magasins de centre ville où les gens se donnent rendez-vous, viennent lire, dis-cuter, flâner, etc. C'est cet esprit convivial que nous voulons renforcer dans les aménagements de nos concepts, » expliquait Denis Olivennes, président de la Fnac, lors de l'inauguration à Bordeaux. Avec l'agence Interbrand (également à l'origine des concepts des magasins Nature et Découverte, Séphora, Résonnance, etc), l'enseigne parie sur l'aménagement de zones de détente, de cafés, d'espaces d'exposition, de galeries photos. Elle joue également la carte des couleurs (jaune, rouge, vert, bleu, etc) dans ses allées et ses rayons autrefois gris, noirs ou blancs. Enfin, elle tente l'expérience d'un changement d'ambiance en fonction des heures de la journée grâce à un éclairage coloré situé à l'entrée du magasin, qui passe d'un moment à l'autre du rose au bleu, du bleu au vert, etc.
Au-delà du travail sur les couleurs, les matières et l'éclairage, le design architectural et commercial négocie un nouveau virage. Demain, les couleurs, les tissus ou les matériaux à la mode ne suffiront plus à fidéliser le consommateur. Il s'agira plutôt d'offrir une ambiance, des services spécifiques, de proposer des idées parfois très éloignées de l'esprit de la marque, et de travailler plus en profondeur le message et la promesse de l'enseigne. Il sera alors moins question de décoration que de découverte. « Promettre au consommateur de vivre une expérience au sein d'un magasin crée une forte attractivité », assure Joël Desgrippes. La démarche peut permettre, selon lui, d'augmenter jusqu'à 30 % le taux de fréquentation du lieu. Et donc le prix moyen du panier d'achats.
Sophie Stadler