Portrait de deux pages publié le 5 février 2018 dans Le Parisien Aujourd'hui en France Week-end.
Photos : Rafa Andreu
Albert Espinosa, survivant heureux et auteur des «Bracelets rouges»
||05 février 2018, 11h51|MAJ : 05 février 2018,
En ce lundi de fin janvier, un homme très grand, souriant, à l’allure d’éternel adolescent longe la plage de Barceloneta (Barcelone), un vieux bracelet d’hôpital en plastique à la main. Une sorte de grigri pour ne pas oublier. A 44 ans, Albert Espinosa, scénariste et auteur de sept best-sellers, est une star en Espagne. Son destin n’a rien d’ordinaire. L’homme a passé toute son adolescence, de 13 à 24 ans, dans les hôpitaux, à combattre trois cancers. Y laissant une jambe, un poumon et la moitié du foie. « Pour survivre, pas au cancer mais à l’ennui à l’hôpital, nous avons formé un club avec les autres enfants, celui des bracelets d’identification rouges qu’on nous attachait au poignet avant chaque opération, explique-t-il. Et, si l’un de nous mourait, les autres se partageaient sa vie et ses rêves. J’ai gagné 3,7 vies en sus de la mienne. Ce que j’ai appris à l’hôpital, c’est que ce n’est pas triste de mourir, mais c’est horriblement triste de ne pas vivre sa vie avec intensité. »
En 2007, il transcrit cette expérience dans un livre, Le Monde soleil(traduit en France six ans plus tard), où il distille ses conseils pour vivre heureux et reconnaître les « êtres soleil », ces personnes lumineuses qui nous font du bien, le temps d’une rencontre ou d’une vie. L’ouvrage est traduit en 50 langues et se vend à plus de sept millions d’exemplaires. Trois ans plus tard, Albert Espinosa le transforme en scénario pour une série télé diffusée en Espagne, Les Bracelets rouges. Enorme carton, en 28 épisodes et deux saisons : elle réunit en moyenne sept millions de téléspectateurs. Elle sera ensuite diffusée telle quelle ou librement adaptée dans 19 pays, bouleversant près de 40 millions de personnes. Aux Etats-Unis, c’est Steven Spielberg lui-même qui s’en est emparé et a tourné une saison de Red Band Society. « Ma plus grande fierté n’est pas cet immense succès d’audience, confie l’auteur. C’est qu’en Espagne comme en Italie, en Allemagne et dès lundi en France, les gens changent de regard sur les enfants malades. Qu’on ne les voie plus comme de pauvres petits mourants ou des handicapés, mais comme des héros drôles et intensément vivants. La vie en service de pédiatrie n’est pas faite de larmes et de peur, mais de bonheur et d’êtres exceptionnels qui doivent nous inspirer. »
La version la plus fidèle de l’histoire
TF1 a adapté le récit d’Albert Espinosa en six épisodes que la chaîne diffuse à partir de lundi 5 février. « De nombreux films français ont marqué ma vie. La France compte beaucoup pour moi. Surtout, l’un de mes voisins de chambre, aujourd’hui disparu, qui fut pour moi une sorte de père spirituel, était lyonnais », explique-t-il dans un français presque impeccable. Car Albert Espinosa ne fait jamais rien à moitié. « Il a pris six mois de cours de français et de diction, juste parce qu’il tenait à venir nous raconter avant le tournage que son histoire était véridique, qu’il ne s’agissait pas d’une fiction », expliquent Nicolas Cuche, le réalisateur de l’adaptation française, et Audran Cattin, qui interprète le jeune Thomas, le personnage principal. Il leur narre alors la fête qu’il a organisée pour dire adieu à sa jambe la veille de son amputation, à 13 ans. Et leur montre également son moignon et sa prothèse. Il leur raconte que quand il avait 12 ans, un médecin lui a pronostiqué seulement 2 % de chances de survie. « Cette rencontre avec les comédiens était à la fois très forte, bouleversante et pleine d’humour, ajoute Albert Espinosa. La série française est une adaptation totalement libre de mon scénario de départ et de mon film. Je ne suis pas intervenu pendant le tournage, mais c’est sans doute la version la plus fidèle et la plus juste de mon histoire. Je me retrouve un peu dans chacun des six adolescents. » Quant à Tom Rivoire, qui interprète Clément, le meilleur ami du héros, il a exactement le même regard que l’un de ses frères d’hôpital de l’époque. Comme un petit rayon de soleil au coeur de son hiver barcelonais.
Six épisodes pour un hymne à la vie
Sans pitié ni pathos, Les Bracelets rouges est aux antipodes des séries hospitalières traditionnelles. Mais il faut un brin de courage pour se plonger dans cette tranche de vie crue, qui place les enfants malades, le cancer et la mort sur le devant de la scène. Pas vraiment réjouissant ? Détrompez-vous. Dans la lignée des films tels que Patients, de Grand Corps Malade, ou Et les mistrals gagnants, documentaire d’Anne-Dauphine Julliand, cette série rythmée nous livre le quotidien d’ados affrontant le pire avec le sourire. Thomas, Clément et leurs copains vivent avec plus d’intensité à l’hôpital que lorsqu’ils étaient dehors. Les héros ne sont ni les soignants ni les parents (Michaël Youn, Cristiana Reali...), mais les enfants. Ça change tout !
Les Bracelets rouges, à partir du 5 février, 21 heures, sur TF1
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