16/04/2018

Le doggy bag fait un carton

Article (deux pages) paru le 16 avril dans Le Parisien Aujourd'hui en France Weekend.

Le «doggy bag», une solution emballante

>Société|Sophie Stadler|16 avril 2018, 10h13|MAJ : 16 avril 2018, 10h19|2
Depuis 2010, les restaurants sont incités à réduire leur production de biodéchets (ici à Paris 18e).
JarryTripelon/OnlyFrance

LE PARISIEN WEEK-END. Permettre aux clients de n’importe quel restaurant de repartir avec leurs restes, c’est ce que vise l’amendement tout juste adopté par une commission de l’Assemblée nationale. Objectif : limiter le gaspillage alimentaire.

Rapporter chez soi ce qui reste de son couscous ou de sa quiche : seuls 35 % des Français ont déjà osé le demander au restaurant, selon une étude du cabinet CHR Expert en 2016. Quant à emporter le fond de sa bouteille de vin, 78 % des consommateurs ne le font jamais.
Pourtant, depuis la loi Grenelle 2 votée en 2010, obligeant le secteur à réduire sa production de biodéchets (épluchures, restes alimentaires...), les restaurateurs sont fortement incités à utiliser lesdoggy bags – que l’on peut littéralement traduire par « sacs à toutou », les reliquats du repas pouvant aussi servir à nourrir le chien !
« Seulement, malgré les efforts des restaurateurs, un vrai frein culturel persiste chez les consommateurs. Le doggy bag ne prend pas en France », explique Didier Chenet, président du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat).
Pour généraliser cette bonne pratique et la faire entrer dans les moeurs, la députée Bérangère Abba (LREM) a donc déposé unamendement au projet de loi sur l’équilibre dans le secteur agricole et alimentaire. Il a été adopté le 21 mars par la commission Développement durable de l’Assemblée nationale. « L’idée est d’obliger tous les restaurants à mettre gratuitement à disposition de leurs clients des contenants réutilisables ou recyclables permettant d’emporter les aliments ou boissons payés et non consommés dans leurs établissements », résume-t-elle.

Un coût minime pour les restaurateurs

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Aujourd’hui, les Français hésitent encore à demander un « doggy bag » à la fin du repas. (Maxppp)

L’intérêt du doggy bag n’est pas aussi anecdotique qu’il n’y paraît. « Le gâchis de nourriture généré par la restauration commerciale représente 157 grammes par personne et par repas au restaurant, avance Bérangère Abba. Soit l’équivalent d’un euro perdu à chaque fois qu’on y mange ! Et 11 % des pertes de nourriture totales en France, tous modes de consommation confondus. »
Cette mesure, si elle est adoptée par l’Assemblée d’ici à la fin mai, devrait permettre de lever les freins psychologiques et culturels des Français... et notamment leur peur de passer pour les « radins de service » en emportant leurs restes.
Même si le texte ne prévoit aucune sanction pour les restaurateurs qui ne respecteront pas la mesure et que certains en seront même exemptés (tels ceux proposant des buffets à volonté), le projet a déjà des détracteurs.
« Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, où les assiettes servies dans les restaurants sont extra-larges, réplique Didier Chenet. En France, les portions sont adaptées aux besoins des clients et ils laissent si peu de restes que ça ne vaut pas la peine de forcer les restaurateurs, déjà soumis à de nombreuses obligations, à offrir desdoggy bags. Pour réduire les déchets, il y a beaucoup mieux à faire. » Comme imaginer un accompagnement de l’Etat pour inciter toute la filière à encore mieux valoriser ses poubelles, par exemple en en faisant du compost, du méthane, des biocarburants.
D’autres professionnels sont, au contraire, déjà conquis par le concept du « sac à toutou ». « Cela me semble naturel de repartir à la maison avec les restes de ce qu’on a payé, estime le chef Damien Duquesne, cofondateur du site 750 grammes et propriétaire de trois établissements en région parisienne.
J’ai ouvert mon premier restaurant il y a deux ans et demi. Nous y proposons systématiquement le doggy bag, avant même que les clients ne le demandent. Quant au coût, pour nous, il est minime : de 10 à 15 centimes d’euro la boîte. Ça vaut largement le service rendu. »
Mia Bertier, copropriétaire du restaurant Chez Edgar Oberkampf (Paris 11e), juge elle aussi cette mesure positive. « C’est dans l’intérêt du restaurateur de proposer cette solution, qui permet de satisfaire et de fidéliser les clients. A nous d’être malins et de proposer des contenants sympas, pratiques et qui ne créent pas à leur tour de déchets non recyclables. » Dernière étape : trouver, comme le voudrait Bérangère Abba, un nom un peu plus français au doggy bag !

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